Holding et pharmacie : Quelle structure entre SELARL et SNC pour optimiser sa fiscalité ?

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Créer ou reprendre une pharmacie suppose de faire des choix structurants, notamment sur le plan juridique et fiscal. Pour le pharmacien titulaire, ces choix ne se limitent pas à une question de statut : ils engagent des conséquences patrimoniales à long terme. Deux structures sont régulièrement étudiées pour exploiter une officine : la SELARL (Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée) et la SNC (Société en Nom Collectif). Toutes deux présentent des logiques d’optimisation différentes, surtout lorsqu’elles sont couplées à une holding. Comment déterminer la structure la plus adaptée à votre projet officinal ? Voici un tour d’horizon argumenté, pour envisager les implications fiscales et stratégiques de chaque option.

SELARL pharmacie : Un cadre stable pour sécuriser l’exploitation

Depuis la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de société des professions libérales réglementées, les pharmaciens titulaires ont la possibilité de constituer une SEL (Société d’Exercice Libéral) pour exploiter leur officine. La SELARL, forme la plus répandue, est donc une société commerciale dotée d’une structure juridique adaptée à l’exercice libéral encadré par le Code de la santé publique (articles L.4221-1 à L.4232-6 notamment). La SELARL permet de conjuguer cadre collectif, responsabilité limitée et gouvernance structurée. Elle donne au pharmacien une meilleure visibilité sur ses flux financiers, tout en conservant une maîtrise de l’exploitation. Ce modèle est également parfaitement reconnu par les autorités ordinales, ce qui rassure les professionnels en matière de conformité.

Sur le plan fiscal, la SELARL est assujettie de plein droit à l’impôt sur les sociétés (IS). Cela signifie que le bénéfice de l’officine est taxé à 15 % jusqu’à 42 500 € (sous conditions), puis à 25 % au-delà. Cette imposition permet de différer la fiscalité personnelle du pharmacien, notamment lorsqu’il laisse les bénéfices en réserve dans la société au lieu de se les distribuer immédiatement. Le pharmacien peut percevoir une rémunération de gérance, fiscalement déductible pour la SELARL, mais soumise aux cotisations sociales URSSAF (en tant que Travailleur Non Salarié – TNS) et au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Toutefois, depuis la loi de finances pour 2024, cette rémunération n’ouvre plus droit à l’abattement forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels. Cette modification, introduite à l’article 83 du Code général des impôts, réduit l’optimisation fiscale liée à ce mode de rémunération.

En pratique, une partie du bénéfice net peut être conservée en trésorerie dans la société. Cette trésorerie excédentaire peut alors être réinvestie dans des actifs éligibles. Par exemple, une SELARL peut légalement acheter les murs de son officine (immobilier professionnel), ou financer des travaux d’aménagement. En revanche, elle ne peut pas investir dans de l’immobilier locatif classique ni prendre des participations dans des sociétés extérieures à l’univers de la santé, en raison des restrictions imposées par l’article L.5125-16 du Code de la santé publique sur l’objet social des sociétés d’exercice officinal.

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SNC pharmacie : Un levier fiscal intéressant pour structurer un groupe

La SNC (Société en Nom Collectif), prévue aux articles L.221-1 et suivants du Code de commerce, est une structure souvent perçue comme exigeante en raison de la responsabilité indéfinie et solidaire des associés. Pourtant, dans le cadre officinal, elle conserve une place stratégique. Lorsque la structure capitalistique est pensée autour d’une logique de groupe, avec une holding au sommet, la SNC peut devenir un outil d’optimisation particulièrement performant, notamment lorsque l’opération d’acquisition est financée par de la dette. Contrairement à la SELARL, dont le fonctionnement est largement standardisé dans la profession, la SNC offre davantage de souplesse comptable et fiscale. Son intérêt se révèle pleinement lorsque l’on souhaite orchestrer une remontée de trésorerie intelligente ou absorber des charges financières au niveau d’une holding. Ce mécanisme, reconnu par la doctrine fiscale, permet une gestion consolidée du résultat et de l’endettement, tout en respectant les exigences du Code de la santé publique qui régit l’exploitation des officines. La SNC peut opter pour deux régimes fiscaux distincts, qui influencent fortement la manière dont le groupe sera structuré :

  • SNC à l’IR : le résultat de la société est imposé directement entre les mains des associés. Ce régime n’est généralement pertinent que lorsque les associés sont des personnes morales soumises à l’IS. Une SNC détenue par une holding peut ainsi faire « remonter » son bénéfice automatiquement dans la société mère, sans distribution de dividendes. Ce mécanisme est parfois qualifié d’intégration implicite ;
  • SNC à l’IS : la SNC devient contribuable à part entière. Elle paie l’impôt sur les sociétés, puis peut distribuer des dividendes à ses associés. Cette option ouvre la voie à l’application du régime mère-fille, prévu aux articles 145 et 216 du Code général des impôts.

Le montage couramment utilisé repose sur une logique de financement : une holding, soumise à l’IS, acquiert les parts de la SNC au moyen d’un emprunt bancaire. Le résultat positif de la SNC, imposable entre les mains de la holding en cas d’imposition au niveau des associés, se trouve alors compensé par les intérêts d’emprunt déductibles. Cette mécanique permet de réduire la base imposable globale du groupe, tout en facilitant le remboursement du prêt grâce aux flux générés par l’officine. Ce modèle présente un autre avantage : Il centralise la trésorerie et les décisions d’investissement au niveau de la holding. Celle-ci peut ensuite financer d’autres projets, soutenir une croissance externe ou organiser progressivement une transmission. Le schéma répond ainsi à des stratégies patrimoniales plus sophistiquées que celles permises par une exploitation directe en entreprise individuelle ou même en SELARL.

Un second levier fiscal majeur repose sur l’application du régime mère-fille lorsque la SNC a opté pour l’impôt sur les sociétés. Dans cette hypothèse, les dividendes versés à la holding bénéficient d’une quasi-exonération : seule une quote-part de frais et charges de 5 % reste imposable. Concrètement, cela revient à imposer les remontées de trésorerie à un taux effectif d’environ 1,5 %. Pour les groupes officinaux, ce mécanisme facilite la consolidation des flux financiers et permet de préparer sereinement des investissements futurs ou des opérations de restructuration interne.

Au-delà de l’aspect fiscal, la SNC profite d’un fonctionnement contractuel souple. Les statuts peuvent être adaptés pour organiser la gouvernance, les modalités de cession de parts ou les relations entre associés. Toutefois, cette souplesse impose un accompagnement juridique rigoureux afin d’éviter tout déséquilibre entre droits financiers et responsabilités professionnelles, particulièrement sensible dans le domaine officinal.

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Quelle flexibilité pour la détention via une holding ?

Le pharmacien est soumis à des obligations déontologiques spécifiques, qui restreignent les possibilités de détention indirecte. Contrairement à d’autres professions libérales, il ne peut pas toujours intercaler librement une holding entre lui et sa structure d’exploitation. Cependant, la réglementation permet certaines flexibilités, à condition de respecter le code de la santé publique. Par exemple, la SPFPL peut détenir des participations dans une SELARL ou une SNC, sous réserve de l’autorisation de l’Ordre des pharmaciens. En revanche, l’utilisation d’une holding commerciale « classique » est plus délicate, et nécessite des montages encadrés. Lorsque la détention directe est requise, une solution alternative consiste à mettre en place une convention de trésorerie. Ce contrat permet à une SNC de prêter temporairement des liquidités à une société sœur (souvent la holding), moyennant un intérêt conforme aux taux du marché. Cette technique, bien que plus complexe, reste compatible avec la législation si elle est correctement formalisée. Elle présente plusieurs avantages :

  • Utilisation optimisée de la trésorerie excédentaire de l’officine ;
  • Pas d’obligation de remonter les dividendes (évite la fiscalité sur la distribution) ;
  • Absence de requalification en abus de droit si le contrat est respecté.

Attention, la mise en place d’une telle convention doit être rigoureusement documentée, avec l’accompagnement d’un expert fiscaliste et l’accord préalable des autorités ordinales si nécessaire.