Faut-il acheter une pharmacie avec ou sans les murs (location) ?

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L’achat d’une officine est une opération complexe qui ne se limite pas à l’activité commerciale elle-même. Un élément souvent sous-estimé lors des négociations : l’immobilier. Faut-il acquérir les murs avec le fonds de commerce ou rester locataire via un bail commercial ? Chaque option comporte des implications fiscales, patrimoniales et stratégiques qui peuvent influencer durablement la rentabilité de l’opération.

Comprendre les deux options : Acquisition ou location des murs de la pharmacie

Lorsqu’un repreneur envisage d’acquérir une pharmacie, il ne s’agit pas uniquement de racheter un fonds de commerce, mais également de choisir un cadre immobilier qui soutiendra la rentabilité et la pérennité de l’activité. Deux configurations principales s’offrent à lui :

  • Racheter uniquement le fonds de commerce, et signer un bail commercial pour exploiter l’officine dans les locaux existants, généralement appartenant à un tiers ;
  • Acquérir à la fois le fonds de commerce et les murs, devenant ainsi propriétaire de l’immobilier professionnel dans lequel l’activité est exercée.

Ce choix ne se résume pas à une simple question de budget. Il engage des considérations fiscales, patrimoniales et opérationnelles majeures. L’achat des murs peut représenter une opportunité stratégique de long terme, tandis que la location offre plus de flexibilité mais expose à certaines contraintes. La décision doit tenir compte de plusieurs facteurs : capacité d’endettement, stratégie de développement, emplacement de l’officine, conditions du bail, et parfois des négociations imposées par le cédant.

Voici un tableau comparatif pour mieux comprendre les implications de chaque option :

Achat des murs de la pharmacie Location des murs de l’officine
Permet de devenir propriétaire de l’immobilier et de constituer un actif patrimonial valorisable à long terme. Permet de limiter l’investissement initial et de concentrer ses moyens financiers sur le fonds de commerce et le stock.
Offre une sécurité locative totale : pas de risque d’éviction ou de hausse imprévue du loyer. Soumet l’activité aux conditions d’un bail commercial (durée, révision triennale, renouvellement non garanti).
Possibilité de montage via une SCI, avec déduction fiscale des loyers versés par la société d’exploitation. Les loyers versés ne génèrent pas de patrimoine personnel et sont des charges permanentes.
Valorise la pharmacie à la revente (double actif : fonds + murs) et peut attirer des investisseurs. Rend la revente potentiellement plus complexe si le bail est ancien ou défavorable au repreneur.
Peut être un placement sécurisé dans des zones urbaines ou à forte fréquentation. Exposition à des hausses de loyers ou à la perte de jouissance en cas de rupture du bail par le bailleur.
Permet de séparer l’activité professionnelle du patrimoine immobilier via une gestion distincte. Facilite la mobilité professionnelle si le pharmacien souhaite changer de zone ou céder rapidement.

Comme le montre ce comparatif, l’achat des murs est souvent perçu comme un investissement stratégique à long terme, apportant stabilité, sécurité et plus-value potentielle. Toutefois, cela implique un financement plus important, souvent via un crédit bancaire distinct. À l’inverse, la location permet une plus grande souplesse, notamment pour les jeunes pharmaciens ou les primo-accédants qui souhaitent limiter leur exposition financière initiale. C’est une solution courante, mais elle exige une vigilance contractuelle forte.

Les avantages fiscaux et patrimoniaux de l’acquisition des murs d’une pharmacie

Acquérir les murs d’une pharmacie ne constitue pas seulement une opération immobilière parallèle à l’achat du fonds de commerce : C’est une véritable stratégie patrimoniale à long terme. Dans un contexte où les taux d’intérêt restent globalement attractifs pour les professionnels de santé, cette option séduit de plus en plus de repreneurs soucieux de sécuriser leur investissement, d’optimiser leur fiscalité et de se constituer un actif immobilier indépendant de leur exploitation.

1. Une sécurisation de l’activité de pharmacie

Être propriétaire des murs, c’est d’abord garantir une stabilité indispensable à l’exploitation de l’officine. Le repreneur évite ainsi plusieurs incertitudes souvent liées à un bail commercial :

  • Pas de hausse imprévue de loyer à la révision triennale ou lors du renouvellement du bail ;
  • Aucune menace d’éviction si le bailleur décide de reprendre les lieux pour un autre usage ou de refuser le renouvellement ;
  • Liberté d’aménagement des locaux, sans avoir à demander l’autorisation du propriétaire pour effectuer des travaux importants ou stratégiques (agrandissement, réaménagement de la zone de vente, amélioration de l’accessibilité PMR, etc.).

Pour un pharmacien qui souhaite s’installer durablement, voire transmettre l’activité un jour, cette autonomie est précieuse. Elle permet également une meilleure lisibilité de l’investissement sur le long terme, sans dépendre des aléas contractuels ou des exigences d’un bailleur parfois peu impliqué dans la santé publique.

2. Une optimisation fiscale avec une SCI

De nombreux pharmaciens choisissent d’acquérir les murs via une Société Civile Immobilière (SCI), distincte de leur structure d’exploitation (qu’elle soit en nom propre, en SELARL ou en SELAS). Ce schéma permet de dissocier clairement l’activité professionnelle de la détention du patrimoine immobilier. La SCI devient propriétaire des murs et les loue à la pharmacie. Ce montage offre plusieurs bénéfices :

  • Les loyers versés à la SCI sont des charges déductibles pour l’officine, ce qui réduit son résultat imposable.
  • Les revenus perçus par la SCI peuvent être imposés de manière optimisée (IR ou IS selon les objectifs patrimoniaux et familiaux).
  • La SCI facilite la transmission du patrimoine immobilier : il est souvent plus simple de transmettre des parts de SCI à ses enfants ou à ses héritiers que de diviser ou léguer un bien immobilier en indivision.
  • Ce mécanisme permet aussi de loger d’autres investissements dans la SCI (appartement loué au-dessus de la pharmacie, local voisin, etc.)

Au-delà de l’optimisation fiscale, ce schéma constitue un véritable levier de stratégie familiale : dans le cas d’un couple d’exploitants, ou pour une transmission progressive aux enfants ou à un associé, la SCI permet une gestion souple et évolutive du patrimoine.

3. Une valorisation immobilière à long terme

Dans un contexte où le marché immobilier des centres-villes ou des zones dynamiques reste tendu, posséder les murs d’une pharmacie revient à sécuriser un actif tangible, valorisable, et souvent très recherché. Les murs d’une officine, situés dans un quartier médicalisé, à forte fréquentation piétonne ou à proximité immédiate d’un établissement de soins (clinique, maison de santé), ont toutes les chances de prendre de la valeur avec le temps. Cette plus-value peut être significative à la revente, notamment lorsque la pharmacie elle-même affiche une bonne rentabilité. Ce double actif (fonds + murs) présente plusieurs atouts au moment de la cession :

  • Attire les repreneurs investisseurs ou les jeunes pharmaciens souhaitant s’installer durablement ;
  • Offre une meilleure marge de négociation sur le prix de vente global, en valorisant à la fois l’exploitation et l’immobilier ;
  • Permet, si besoin, de vendre séparément les deux composantes (cession du fonds d’un côté, mise en location des murs de l’autre), ce qui offre plus de flexibilité au cédant.

Dans certains cas, un pharmacien proche de la retraite peut aussi choisir de vendre son fonds tout en conservant les murs pour percevoir un loyer en tant que propriétaire bailleur. Cela constitue une source de revenu complémentaire appréciable lors du départ à la retraite, sans abandonner complètement le lien avec son ancienne officine.

Les contraintes et risques liés à la location des murs d’une officine

Choisir de ne pas acheter les murs d’une pharmacie permet certes de réduire l’investissement initial, ce qui peut être déterminant pour les jeunes repreneurs ou les primo-accédants. Toutefois, cette solution, bien que plus souple à court terme, comporte aussi plusieurs risques significatifs. Ces derniers peuvent affecter la rentabilité, la stabilité de l’activité, et la valorisation du fonds de commerce à moyen et long terme.

1. Une dépendance au bailleur

En tant que locataire, le pharmacien exploite son activité dans des locaux qui ne lui appartiennent pas, sous le régime du bail commercial. Ce contrat, généralement conclu pour une durée de 9 ans, avec une révision du loyer tous les 3 ans, encadre strictement les relations entre le titulaire de l’officine et le propriétaire des murs. Cette dépendance peut devenir problématique dans plusieurs situations :

  • L’augmentation du loyer : le bailleur peut exiger une révision du loyer à la hausse, dans les limites prévues par l’indice ILAT (Indice des Loyers des Activités Tertiaires). Une hausse trop importante, notamment en zone tendue, peut réduire considérablement la marge nette de la pharmacie ;
  • La rupture du bail ou non-renouvellement : si le bail arrive à terme et que le propriétaire refuse le renouvellement, ou souhaite vendre ou occuper les locaux, le pharmacien risque de perdre son emplacement. Cela peut remettre en cause toute la viabilité de l’officine ;
  • Les clauses restrictives : certaines clauses peuvent limiter les possibilités d’aménagement, de sous-location, de cession ou même d’installation de dispositifs techniques (enseigne, mobilier extérieur, signalétique, etc.) ;
  • La perte de valeur du fonds de commerce : une rupture anticipée ou un conflit avec le bailleur peut entraîner une dévalorisation du fonds de commerce, surtout si l’emplacement est stratégique ou bénéficie d’un fort passage.

Ce niveau de dépendance implique une vigilance accrue lors de la relecture du bail commercial, qui doit faire l’objet d’un audit juridique approfondi avant toute reprise.

2. Des difficultés lors de la revente de l’entreprise

Le statut de locataire peut également poser des obstacles au moment de la cession de l’officine. Contrairement à une vente incluant les murs, qui séduit par sa stabilité patrimoniale, la vente d’un fonds seul implique des démarches supplémentaires liées au bail :

  • L’accord obligatoire du bailleur : En cas de clause d’agrément, le propriétaire peut s’opposer à l’arrivée du nouvel exploitant, ou imposer des conditions supplémentaires (augmentation du loyer, révision du dépôt de garantie, etc.) ;
  • Un bail mal rédigé ou incomplet : un bail peu précis ou trop ancien peut générer des litiges, nuire à la confiance du repreneur et allonger les délais de la transaction ;
  • Un risque de renégociation défavorable : le futur acquéreur pourrait être contraint de signer un nouveau bail moins avantageux, ce qui déprécie la valeur du fonds dans les négociations.

Ces éléments peuvent effrayer certains repreneurs, surtout s’ils souhaitent un projet stable sur le long terme. La location peut ainsi restreindre le profil des candidats potentiels à la reprise et impacter négativement le prix de vente final.

3. Aucune création de patrimoine

Contrairement à l’achat des murs, qui permet de constituer un actif immobilier, la location reste une dépense pure. Le loyer versé chaque mois constitue une charge récurrente qui ne donne lieu à aucune acquisition patrimoniale. Sur 10, 20 ou 30 ans, ces loyers peuvent représenter plusieurs centaines de milliers d’euros investis sans aucun retour. Par exemple, un loyer mensuel de 3 500 € sur 25 ans représente une dépense totale de plus d’un million d’euros, sans constitution de patrimoine en face.

Pour le pharmacien, cela signifie :

  • Aucune plus-value potentielle à la revente des murs ;
  • Aucune source de revenus passifs au moment de la retraite (contrairement à un pharmacien qui conserve les murs et les met en location) ;
  • Une fragilité financière accrue si les résultats de l’officine baissent, car le loyer reste dû quoi qu’il arrive.

À long terme, cette situation peut peser sur la constitution d’un patrimoine professionnel et personnel solide, notamment pour les pharmaciens qui comptent sur leur activité pour bâtir leur avenir financier. Si la location est une solution accessible et parfois incontournable au moment du choix à l’installation, elle comporte des limites structurelles à ne pas négliger et nous vous convions à nous contacter pour vous aider dans la réflexion. En effet, une analyse précise du bail et des projections financières à moyen terme est essentielle pour s’assurer que ce choix est adapté au profil et aux objectifs du repreneur.